Pourriez-vous décrire brièvement votre secteur d’installation ?

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Dr Aurélien Vaillant: Je suis installé à Seurre, au sud de la Côte-d’Or, à 5 km d’une zone déficitaire. Ce village, qui compte quelque 2 700 habitants, se situe à environ 25 min de voiture de Beaune et 45 min de Dijon. Je n’ai pas repris de patientèle. Je me suis associé à deux confrères quinquagénaires. Sur les six médecins de Seurre, deux ont plus de 60 ans, trois ont environ 50 ans et j’ai 33 ans. Quelques années avant mon installation, en janvier 2012, deux médecins sont déjà partis à la retraite sans être remplacés. Depuis cet été, dans un rayon de 20 km autour de Seurre, deux médecins ont pris leur retraite sans trouver de remplaçants et trois jeunes ont cessé l’activité pour raisons personnelles. J’ai un planning très chargé.

 

 

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Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous installer à la campagne ?

A.V.Disons que face au manque de médecin en zone rurale, les relations avec les patients sont différentes. Avant de m’installer, j’ai eu l’occasion de remplacer à Dijon, où l’offre de soins est importante : j’y faisais plus de « bobologie » ; je subissais le consumérisme de certains patients. En zone rurale, le clientélisme est moins prégnant. J’ai remplacé pendant un an et demi mes associés actuels avant de m’installer et leur manière de travailler m’a beaucoup plu. Les types de pathologies et leurs variétés rendent l’exercice de la médecine générale en campagne très stimulant et attrayant mais aussi plus compliqué et stressant.
On a l’avantage, sur mon territoire d’activité, de faire partie du groupement des professionnels de santé du Pays Beaunois (GPSPB). Il nous apporte un soutien logistique et des conseils pour les patients en soins palliatifs ou posant des problèmes de maintien à domicile. Des infirmières coordinatrices et des ergothérapeutes peuvent venir à domicile et évaluer les besoins des patients ou de leur famille afin de coordonner les actions de soins entre les différents professionnels libéraux, les organismes d’aide à domicile et l’assistante sociale. Pour les soins palliatifs, une équipe formée tout spécialement, composée d’un médecin, d’une infirmière et d’un psychologue apporte les conseils par téléphone ou au domicile du patient à la demande des professionnels libéraux.
Le GPSPB est également en lien avec les hôpitaux du territoire pour anticiper et préparer les sorties d’hospitalisation.
Je connaissais ce GPS et je savais que je pourrais compter sur eux pour soulager mon travail quotidien dans mon secteur de soins.
Dans le cadre de ce groupement il est aussi réalisé des actions d’éducation thérapeutique sur le diabète, les pathologies cardiaques et respiratoires (asthme et BPCO) : entretien individuel, cours en groupe sur différents items (ex : cours de cuisine pour les diabétiques, soins des pieds, médicaments et hypertension…).
Ainsi, depuis le mois de juin, à Seurre (comme cela se fait depuis plusieurs années à Beaune), un atelier marche s’est mis en place. Environ une demi-heure de marche en continu adaptée aux pathologies des patients et encadrée par un kinésithérapeute et un pharmacien de Seurre. Ce qui permet aux patients de reprendre une activité physique et de créer de nouveaux liens sociaux. Un patient qui a le moral se soigne mieux…

K. M. : Sur un plan professionnel, l’activité est intense, mais la présence du GPS est très appréciable. L’existence de cette structure a beaucoup compté. Par ailleurs, les conditions de mon installation − journées travaillées, organisation du cabinet,… − me convenait parfaitement. Le médecin avec qui je collabore a été un de mes maîtres de stages et cela a aussi compté. J’ajouterais que j’apprécie les patients de ce secteur, que je fréquente depuis 18 mois environ. Ils ont toujours été très prévenants à mon égard et très accueillants. Enfin, sur un plan personnel, j’ai toujours eu une préférence pour la campagne et la qualité de vie qui l’accompagne, peut-être parce que j’ai été élevée à la campagne. Les kilomètres supplémentaires que j’effectue pour faire des visites ou pour me rendre au cabinet sont largement compensés par la qualité de vie.

 

Des doutes subsistent-ils quant à votre choix d’exercer en milieu rural ? 

A.V.: Oui, beaucoup : charge de travail importante ; temps de gestion administrative plus prenant que je ne l’imaginais, alors que je pensais en avoir une bonne connaissance ; peu de revenu supplémentaire par rapport à mes années de remplacement… Cependant, la permanence de soins est bien assurée grâce à la maison médicale de garde du Pays beaunois. Et les astreintes de l’hôpital local de Seurre ne sont pas trop contraignantes : une semaine sur six actuellement, la nuit et le week-end. L’isolement ne se fait pas ressentir car je travaille en cabinet. Une infirmière Asalee

[action de santé libérale en équipe] se charge de l’éducation thérapeutique pour nos patients cardiaques, diabétiques et bronchitiques chroniques.

K.M. : Bien sûr, j’ai des doutes. Pour le moment, ma charge de travail n’est pas trop importante, mais je ne sais pas comment les choses évolueront dans dix ou quinze ans. Pour ce qui est de ma pratique, je n’ai pas l’impression de faire de la « bobologie », bien au contraire. L’éloignement des structures hospitalières nous pousse à avoir une pratique très diversifiée, notamment pour la gestion des urgences et des demandes de soins non programmés. Comme tous les médecins généralistes, j’ai mes compétences propres et je ne m’inquiète pas pour l’avenir de la profession. Les soins primaires sont et seront nécessaires à l’efficience de notre système de santé. L’idéal serait de pouvoir poursuivre une carrière universitaire en parallèle. Je suis actuellement chef de clinique au Département de médecine générale de Dijon et l’activité universitaire est très enrichissante. Elle me permet de diversifier mon activité de « soins » en m’offrant la possibilité de faire de la recherche et de l’enseignement.

 

Quelle connaissance des mesures incitatives avez-vous ? Bénéficiez-vous d’une aide ou d’un accompagnement ?

A.V.: Je connaissais les aides proposées via le site de l’Agence régionale de santé mais je n’entrais pas dans les critères d’attribution. Si je bénéficiais d’une aide quelconque, je prendrais un temps de secrétariat supplémentaire afin de diminuer ma charge administrative. Avec l’augmentation du numerus clausus, dans 5 à 10 ans, il n’y aura plus de problème de démographie médicale. Sachant qu’on est déjà suffisamment nombreux mais mal répartis. Je pense qu’il est également bon de s’interroger sur le soutien, voire le sauvetage, de ceux qui sont déjà installés en zone rurale, pour éviter le burnout.

K.M. : Il me semble que je vais pouvoir bénéficier d’aides pour cette installation, mais je ne sais pas encore dans quelle mesure. A ma connaissance, ce sont des réductions d’impôts pour les premières années d’exercice. Elles sont soumises à de nombreuses conditions et je ne sais pas si je pourrai en bénéficier pleinement. Il faut que je revoie tout ça avec la référente installation de l’ARS.

 

Avez-vous des propositions pour inciter les étudiants à venir s’installer sur les territoires ?

A.V.: Il faut inciter les médecins ruraux à devenir maîtres de stage pour accueillir des étudiants et leur donner envie de venir exercer la médecine générale en milieu rural. Vous l’aurez compris : les médecins de campagne ont besoin d’un temps de secrétariat supplémentaire pour tenir le coup. Ce qui aura pour effet non seulement d’augmenter l’offre de soins mais également de créer des emplois localement. Enfin, il faut défendre l’idée d’une médecine rurale globale, incluant la prévention, la santé publique et le soin.

K.M. : En ce qui me concerne, je n’ai pas de freins particuliers à l’installation en zone rurale, tant que cela reste compatible avec mon activité universitaire. Je pense que la profession du conjoint joue beaucoup dans les choix de lieu d’installation. En ce qui me concerne,  cela n’influe pas, mais beaucoup de personnes sont dans la situation contraire. Par ailleurs, lorsque j’ai réalisé mon travail de thèse, les freins à l’installation en milieu rural avaient été abordés par les participants à l’étude. Ces derniers évoquaient différents freins : la difficulté de mener une vie personnelle satisfaisante (travail du conjoint, éducation des enfants), la surcharge de travail présente ou à venir… Beaucoup estimaient les aides peu utiles http://www.lebimsa.fr/wp-admin/post.php?post=17187&action=edit&message=6pour motiver une installation.

 

source : http://www.lebimsa.fr/lexercice-de-la-medecine-rurale/